Khatami et sa supplique auprès de deux cours

 

L'interview du 8 janvier 1998 de Khatami (le président de la république islamique d'Iran - ndlr) avec la chaîne de télévision américaine CNN a une nouvelle fois montré le vrai visage des dirigeants du régime de la république islamique d'Iran (RII). Un régime qui depuis 19 ans promet le paradis pour les couches laborieuses de la société. Et pendant toute cette période, ses dirigeants ont continué à piller les richesses du pays et à voler la population. Aujourd'hui, personne ne se fait plus d'illusions sur le régime et ses dirigeants. Et depuis des années, la population a compris que ce régime répand des pensées moyenâgeuses et des superstitions.

Dès le début, les discours et les paroles de Khatami visaient à soutenir le système. Au cours de la campagne présidentielle et les premiers mois après son élection, Khatami a pu respecter les apparences. Mais désormais, face aux événements actuels, Khatami n'a le choix qu'entre deux voies: ou s'éloigner du pouvoir, ou se mettre à genou devant lui. Il a choisi la deuxième voie.

La population n'a pas encore oublié les promesses de Khatami sur l'instauration de "la société civile" ou sur "l'application de la loi". Mais aujourd'hui, en tant que le représentant de la bourgeoisie libérale dans sa bataille contre la bourgeoisie commerciale, Khatami se sent affaibli. Et il est devenu une marionnette et un exécutant de la politique de Velayat-Faghih "V.F." (autorité suprême du docteur religieux le plus compétent en qualité de représentant du prophète ou de l'imam caché - Aujourd'hui, Khameney incarne ce pouvoir de la V.F. - ndlr). N'oublions pas que la victoire de Khatami aux élections présidentielles est liée pourtant à son opposition avec V.F.

Lors des élections présidentielles, Khatami, sans parti ni programme, n'a pu récupérer les voix qu'en profitant du mécontentement de la population. Bien qu'il n'eût aucune intention de répondre à ses revendications. Le nouveau président ne peut et ne pourra jamais répondre aux revendications de millions d'Iraniens qui vivent depuis des années dans des conditions politiques, économiques et sociales épouvantables. En Iran, le pouvoir politique est divisé entre la bourgeoisie libérale et la bourgeoisie commerciale. Dans ces conditions, comme par le passé, le maintien de Khatami à son poste de président de la république est inévitablement lié à ses arrangements avec la fraction adverse.

Actuellement, les contradictions entre les différentes fractions de la bourgeoisie iranienne s'accroissent sans cesse. A cause des conditions de vie insupportables et de la dictature, la population descend régulièrement dans les rues. Dans ces conditions, "l'application de la loi" et l'instauration de "la société civile" ne seront possibles qu'avec l'utilisation de l'appareil d'État et des appareils de la répression. Le nouveau président de la république veut appliquer "la loi" qui, d'après la constitution du régime de la RII, "ne serait pas en contradiction avec les principes islamiques". Ainsi, il est obligé de recourir aux Gardiens de la révolution, à l'armée, à la SAWAMA (ministère des renseignements et de la sécurité iranienne - ndlr), aux Bassijis (milices), aux Comités de quartiers et aux dizaines d'organes de répression qui sont entièrement sous le contrôle et la domination de la bourgeoisie commerciale dirigée par Khameney. Rappelons cependant que, dans ce conflit, Khatami n'a pas cédé facilement le terrain. Les points forts de la bourgeoisie commerciale se situent précisément dans les points faibles de la bourgeoisie libérale, à savoir: le manque de connaissance par le nouveau président des mécanismes du travail politique, l'absence d'une formation politique propre au président, le manque d'expérience dans l'activité politique, l'absence d'une analyse juste et réaliste sur les motifs des millions de gens qui ont voté pour Khatami. C'est pour ces raisons que Khatami, qui a une perception superficielle et subjective, n'a pas pu résister sérieusement devant les attaques de la fraction du guide de la RII.

Dans l'Iran d'aujourd'hui, la normalisation des relations du régime de la RII avec les États-Unis, le "grand Satan", ne peut pas résulter par d'ambitions personelles, quel qu'en soit le soutien au niveau international. Dans ce domaine toute tentative de la bourgeoisie libérale qui ne tiendrait pas compte de l'avis du guide de la RII, sera un effort inutile et absurde. Actuellement, les différentes couches de la population qui, par défaut d'organisation ont voté le 23.05.1997, pour Khatami, ne sont pas prêtes à descendre dans les rues pour le défendre. Tout mouvement spontané et sans programme est condamné à l'échec. Et il aura comme conséquence, l'éloignement de la population de la scène politique. Ainsi, malgré ce que voudrait le faire croire la propagande du monde occidental, l'interview de Khatami avec la chaîne de la T.V. américaine CNN ne peut pas entraîner un changement sensible ou une conséquence particulière dans les relations irano-américaines. Aujourd'hui, nous constatons une souplesse dans les relations entre la RI et les E.U. Elle est la conséquence des relations secrètes existant depuis des années. La concurrence acharnée entre les E.U d'Amérique et l'Europe pour le contrôle du marché iranien aurait une influence déterminante dans ce rapprochement.

N'oublions pas que même après l'affaire de l'Irangate, les relations secrètes entre les deux pays et même les rapports économiques n'ont jamais été rompus. Et ils continuent encore. C'est dans ces conditions qu'avec le soutien de la bourgeoisie libérale et d'autres mouvement écarté du pouvoir, Khatami est devenu le pionnier du rétablissement des relations directes avec les E.U. d'Amérique. En effet, avant de répondre un minimum aux revendications des masses populaires, il s'est fixé comme priorité un compromis avec le "grand Satan". Le besoin urgent de la fraction de la bourgeoisie libérale de conclure de grands contrats économiques et commerciaux avec les E.U. a été le motif des flatteries de Khatami dans son interview avec CNN, une attitude grossière détestée par la population iranienne. Cette attitude a beaucoup affaibli la position de Khatami.

Dès le début d'interview, Khatami a commencé à flatter les Américains en disant: "j'ai dit auparavant que je respecte la grande nation américaine. A cette courte occasion, je voudrais expliquer ma conception et mon analyse de la civilisation américaine pour qu'il soit prouvé que ma parole n'est pas un compliment politique ou un jeu de mot. L'Amérique a une civilisation digne de respect. Et quand nous regardons les racines de cette civilisation, notre respect s'accroît et ...". Après différents passages sautant du coq à l'âne à propos de la ville de "Plymouth" dans l'état de "Massachusset", Khatami déclare qu'"il faut chercher le secret de la grandeur de la civilisation américaine dans ce rocher"?! Le président iranien poursuit ses "courbettes" envers la "civilisation" américaine et pour parvenir à influencer les Américains, il prie pour le pardon des morts de l'Amérique. Et pour le "martyre" Abraham Lincoln, il réclame le pardon. A ce sujet, le président de la RII continue: "les Américains ont eu beaucoup de martyres. Le martyre le plus connu est Abraham Lincoln ... et c'est pour cette raison que je dis que je respecte cette grande nation américaine. A cause de leur bonne civilisation". La journaliste de la CNN et l'entourage de Khatami attendaient autre chose que ces flatteries, mais il continue encore: "la création de la civilisation américaine remonte à 400 ans. A notre avis, ainsi que l'expérience humaine nous l'a appris, le bonheur et la prospérité dans la vie sont basés sur 3 piliers ...". Et Khatami prononce son dernier mot à ce propos: "c'est du point de vue de l'esprit que nous nous sentons proche des piliers de la civilisation américaine" !! Dans cette interview, le président de la RI fait tout son possible pour se faire aimer les Américains. Il découvre 4 siècles de civilisation chez les Américains sans que nous sachions quels sont la date de référence et le mode de calcul pour parvenir à ce résultat. Si la date de référence est l'année de la découverte de l'Amérique en 1492 par Christophe Colomb, cela fait 5 siècles. Ainsi, il faut demander à Khatami, comment il parvient à trouver 400 ans de civilisation dans 500 ans d'existence?

Ce qui dérangeait de plus en plus les spectateurs de l'interview de Khatami, c'est cette réalité historique que si les E.U d'Amérique avec 500 ans d'existence reçoivent autant de louanges et d'éloges du président de la RI sur une civilisation qui n'est que la civilisation de Mac Donald, du Coca Cola et des Westerns, que doit-on dire dans ces conditions de la civilisation orientale? Quand la "grande civilisation américaine" est comparée à celles de la Mésopotamie, de la Grèce, de l'Égypte, de la Chine, dans quels termes peut-on décrire le berceau de la civilisation?

Khatami, après avoir guidé les Américains et après avoir mérité à la "glorification et au respect" du rocher de la ville de "Plymouth", aborde la question de la révolution islamique d'Iran et son attitude concernant les E.U. Ici, Khatami oublie ses grands sourires car il doit préciser ses propos: "Évidement, la guerre de notre révolution était la guerre des paroles. Elle n'était pas la guerre des armes. Et elle a pu triompher. Nous avons lutté pour une nouvelle expérience de la religion et de l'indépendance, deux valeurs qui sont très chères à la civilisation américaine. Et c'est précisément de ce point de vue que nous nous sentons proche des Américains".

La journaliste de la CNN demande l'avis de Khatami sur la prise des otages de l'ambassade des E.U. à Téhéran ainsi que la mise à feu du drapeau américain. Évitant de chercher querelle, Khatami répond: "sans vouloir accuser quelqu'un, je voudrais dire que le visage de l'islam ainsi exposé était un visage incorrect. Je comprends que les sentiments de la grande nation américaine ont été blessés. Et j'en suis vraiment navré".

A propos du slogan "A bas les E.U.", il prétend: "je ne suis pas satisfait de la mort des citoyens des E.U. que je considère comme une grande nation. Ce slogan ne vise pas à l'anéantissement et à la subversion de l'état américain. Ce slogan est le symbole de la fin d'un type de relation entre l'Iran et les E.U". Évidement, seuls les diplômés en sophismes comme Khatami peuvent parler avec autant de fourberie. Aujourd'hui si Khomeiny était encore en vie, il prononcerait sûrement une fatwa (jugement d'un chef religieux musulman - ndlr) pareille à celle de Salman Rushdie contre ce nouveau président de la république. Khatami développe et complète encore son point de vue: "Personnellement, je ne suis pas d'accord pour mettre le feu au drapeau américain, ce qui blesse les sentiments des citoyens de ce pays. Je sais que même le guide de la RI et les hauts dirigeants ne sont pas d'accord avec ce genre d'agissements. Mais je suis sûr que ceux qui commettent ces actions, n'ont en aucun cas l'intention de faire du tort à la population américaine. J'espère qu'il n'y aura aucune actions susceptible d'être interprétées en opposition avec la nation américaine".

Ainsi, il faut demander à Khatami quel est le but d'actions comme celle consistant à mettre le feu au drapeau d'un pays?

Dans une autre partie de cette interview, sans parler des opposants au régime, Khatami parle des millions d'immigrés iraniens dans les pays européens et les E.U. d'Amérique. Et il déclare que ces immigrés iraniens sont la preuve des relations entre les peuples cultivés iraniens et américains. Il précise: "actuellement, une grande partie des Iraniens cultivés, éduqués et honorables se trouve aux E.U. Ils sont les représentants de la nation iranienne. C'est une preuve de l'absence d'hostilité entre ces deux peuples". C'est exact. Il n'y a aucune hostilité entre ces deux peuples. Mais il y a certainement une grande hostilité entre le régime de la RI et la population iranienne. A cause de cette hostilité, plus de 3 millions d'Iraniens sont dispersés en tant que réfugiés politiques ou immigrés dans différents pays. Et des centaines de milliers de cette population éduquée et cultivée, au lieu de se mettre au service de leur population opprimée, résident actuellement aux E.U. Évidement, ils étaient obligées d'émigrer. Aujourd'hui, est-ce que la RI est prête à prendre en considération un minimum de droits socio-politiques pour cette population cultivée et honorable? Est-elle prête à les autoriser à créer la formation politique désirée dans "la société démocratique" imaginée du président? Est-ce qu'ils pourront publier et diffuser leurs pensées en toute liberté? Sûrement que dans ce cas, la question de "l'application de la loi" sera mise à l'ordre du jour. Et pour les militants de la liberté qui rentreront au pays, des potences et des terrains d'exécution seront préparés dans la prison d'Evin (la plus terrible prison iranienne où sont pratiquées les tortures les plus inhumaines - Des dizaines de milliers de prisonniers politiques iraniens ont été torturé et ensuite exécuté dans cette prison - ndlr). Khatami et les autres dirigeants iraniens conseillent aux Américains de les laisser tranquille dans la politique intérieure. Mais dans la politique extérieure, ils suivront partout les E.U. Si les dirigeants américains acceptent cette condition, les responsables de la RI seront prêts à mettre un terme définitif à toute forme d'hostilité. A ce propos, Khatami formule son message de la façon suivante: "d'après notre nation, la politique extérieure américaine tente de renverser et de provoquer une confrontation avec les Iraniens. Ils condamnent une telle relation. Jamais personne n'a essayé de nuire à la nation américaine. Nous considérons le gouvernement américain comme un gouvernement légitime et élu par le peuple". L'intention du président iranien est claire. Elle se passe de commentaire. En d'autres termes, si l'intérêt de l'impérialisme américaine exigeait d'accepter le régime iranien tel qu'il est, du coté de la RI il n'y aurait aucun problème. Ainsi, il n'y aurait ni incendie du drapeau américain, ni "grand Satan" et ni "Amérique criminelle". Et si quelqu'un osait protester contre cette nouvelle ligne, "la loi" sera appliquée à son égard.

Parmi les Ayatollahs se trouvent plusieurs éléments comme Khatami, qui cite les "prodiges du rocher de la ville de Plymouth" et en tant que président d'un régime criminel, profite de l'occasion pour déclarer sans honte à la journaliste de la CNN: "je considère que seules personnes illogiques ont recours à la force et à la violence. L'homicide est condamné et ne sert à rien. Et nous le condamnons dans toutes ses formes". Nous préférons nous taire et laisser l'opinion publique internationale faire son jugement. Il suffit de dire que tous les ans, à l'anniversaire de l'émission de la fatwa contre Salman Rushdie, les dirigeants iraniens renouvellent la nécessité de son exécution. Cette année pour la première fois, le ministre des affaires étrangères a même officiellement demandé son exécution, par un musulman.

Tout de suite après l'interview de Khatami, les porte-paroles de la Maison Blanche et du ministre des affaires étrangères américain ont réagi. Ils ont déclaré en toute franchise que les réponses de Khatami ne sont pas suffisantes et qu'ils attendent que le régime iranien prouve ses prétentions par des actions pratiques. Après la réaction des Américains, à l'intérieur de l'Iran, Khatami a été la cible de plusieurs attaques. En tant que le guide de la RI, Khameney a répété et a insisté sur ses positions et les positions de Khomeiny. Sous la présidence de Rafsanjani, Le Conseil du discernement (Shorayet Aliyet Tashkhisse Maslahat Nezam) a soutenu ouvertement les positions de Khameney. La direction des Gardiens de la révolution a fait une déclaration suivant la ligne de Khameney. Parmi les organes de propagande du régime, seul le quotidien "Salam" est resté sur la ligne de Khatami. Même le porte-parole du gouvernement de Khatami a soutenu ouvertement les positions de Khameney. Dans le pays, Khatami était tellement sous pression que les milieux proches du gouvernement parlaient même de sa démission. Dans ces conditions, Khatami a été obligé de revenir sur les positions du guide de la RI en oubliant son interview avec CNN. Sous prétexte de sa participation aux cérémonies de l'anniversaire de "l'imam Ali" (successeur du prophète d'après les chiites - ndlr) au cimetière de Behesht Zahra (le grand cimetière situé au sud de Téhéran - ndlr), ignorant ses paroles d'il y a 15 jours, il a défendu les positions traditionnelles du régime en disant: "les E.U. d'Amérique sont un régime criminel et tout ce que notre peuple subit aujourd'hui, c'est à cause des Américains".

Depuis, les groupes de répression du Hezbollah, organisés dans les différentes institutions du régime, ont repris la politique d'arrestation et de persécution des opposants. Avant l'interview de Khatami, il y avait des protestations par-ci, par-là dans les milieux universitaires contre l'arrestation de Montazeri et d'Azari Ghomi (deux grands ayatollahs du monde chiite opposés au V.F. - ndlr). Mais depuis la soumission progressive de Khatami à la politique de la bourgeoisie commerciale, toutes ces protestations se sont apaisées. Et aujourd'hui, de nouveau, la fraction de Khameney est le combattant sans rival dans le pays. Le quotidien "Kayhan", un des organes importants de la propagande de la bourgeoisie commerciale, a raconté les événements ayant donné lieu à la destitution de Montazeri du poste de successeur de Khomeiny par ce dernier. Expliquant l'importance de cette décision prise par Khomeiny en Mars 1989, "Kayhan", ajoute que ces derniers jours, certains éléments ont tenté leur chance en suivant la ligne de Montazeri . "Kayhan" menace Montazeri et ses proches, les libéraux, le Mouvement pour la liberté (un groupe libéral écarté du pouvoir depuis 18 ans. Mehdi Bazarghan - le fondateur et le leader de ce groupe, aujourd'hui décédé, était le premier ministre du premier gouvernement après la chute du régime du Shah - ndlr) et Khatami. Ce quotidien conclut que si Khatami ne respecte pas ses limites et les règles du jeu, il subira le même sort que Khomeiny a prévu pour Montazeri. C'est à dire d'enseigner dans les centres d'instruction religieuse.

Il paraît qu'à la différence des milieux proches de Montazeri, Khatami et ses proches ont bien entendu "les avertissements compatissants" de "Kayhan".

Mais aujourd'hui, il faut envisager la montée de la haine de classe auprès de la population iranienne qui en recourant à la violence révolutionnaire, renversera le régime de la RII.

 

Article paru dans KAR - Organe de l'OGFPI - Février 1998