Interview du porte-parole de l'Organisation Des Guérilleros Fédaïs Du Peuple D'Iran (O.G.F.P.I.) avec le mensuel "La Solution Révolutionnaire" (L.S.R.)

 

L.S.R. : Nous voudrions que vous expliquiez à nos lecteurs l'actuelle situation iranienne, ainsi que la lutte que votre organisation mène en ce moment. Dans ce cadre, quelle est votre analyse de la situation en Iran et quelle est la structure socio-économique de votre pays ?

O.G.F.P.I. : Comme vous le savez, analyser l'actuelle situation iranienne et de la structure socio-économique de l'Iran demande plus de temps que le temps d'une interview. Mais je vais quand même essayer de vous donner une idée générale.

Tout d'abord, il faut souligner qu'actuellement la classe ouvrière et les couches laborieuses de la société vivent dans la pauvreté généralisée. A cause de la pression économique insupportable, la population passe ses journées dans des conditions très pénibles.

La classe gouvernante iranienne est composée de deux fractions. L'une est la bourgeoisie commerciale et l'autre la bourgeoisie libérale.

- La bourgeoisie commerciale ou le Bazar essaie d'exporter les richesses naturelles du pays et principalement le pétrole. En contrepartie, elle importe des produits de base. Cette fraction tire ses bénéfices de ces opérations commerciales. Elle dispose du monopole de la distribution des produits de base. Ainsi, elle détient le pouvoir politique et peut également contrôler les prix et le marché. Normalement, dans ce type de système économique, les prix sont fixés par rapport à la prospérité commerciale des monopolistes. Donc, à chaque fois qu'ils n'obtiennent pas les bénéfices escomptés dans le cadre du système commercial habituel, la marchandise en question est aussitôt soumise spéculation pour être ensuite vendue au marché noir à des prix exorbitants. La bourgeoisie commerciale est opposée aux grands complexes industriels. Elle tente de répondre aux besoins industriels et technologiques du pays par l'importation des produits nécessaires, en échange de la vente du pétrole et d'autres ressources naturelles. Le soutien de cette branche de la bourgeoisie à l'industrie et de la technologie n'est pas limité aux manufactures. Elle veut faire reposer l'économie du pays sur le commerce comme seule source de bénéfice.

- Face à cette fraction, également en échange de la vente des richesses naturelles du pays, la bourgeoisie libérale fait semblant de s'occuper de la reconstruction des usines et, sous ce prétexte, elle vise à faciliter les investissements étrangers en Iran. Le soutien de ce secteur de l'industrie et de la technologie se limite simplement à l'importation d'usines et de technologie. Elever l'industrie et la technologie de l'Iran au niveau d'industrie de montage trouve toujours l'approbation des grands pays industriels. En réalité, ils nous vendent des usines mais pas la technologie de la fabrication de ces usines, qui resteront dépendantes de leur technologie et de leurs pièces détachées. Les pays industrialisés s'opposent toujours aux transferts des industries de base et de leur technologie vers les pays comme l'Iran. La bourgeoisie internationale a besoin de marchés. Par conséquent, elle tolère la vente et le transfert de technologie afin qu'ils soient au service de la conquête et de la domination des marchés des pays non-développés. A coup sûr, si un pays non-développés ou en voie de développement tente de franchir cette barrière, son développement sera aussitôt barré. Par exemple, en Iran à l'époque du Shah, notre industrie était parvenue au niveau d'industrie de montage développé. Ce stade de développement dans la production sociale est plus progressiste que le stade de la production manufacturière soutenu pas la bourgeoisie commerciale. Néanmoins, ce système de production n'a pas plus de résultat, si ce n'est d'augmenter l'exploitation des ouvriers. Les impérialistes dans les pays comme l'Iran n'autorisent jamais la bourgeoisie libérale à développer une industrie de base. Par exemple à l'époque du Shah, dans la division du travail faites par les multinationales, le Shah n'a pas pu obtenir l'autorisation de créer des usines de ciment, usines qui ne nécessitaient pas l'importation de matière première et qui étaient facile à créer. Il était prévu que nos importations proviennent de Turquie et qu'en revanche nous produirions des asperges - qui n'étaient d'aucune utilité en Iran car les Iraniens ne les connaissaient même pas.

Sur les questions socio-politiques, les deux fractions de la bourgeoisie s'entendent pour réprimer la population. Naturellement, sur cet objectif, des différends existent entre les dirigeants du régime et les impérialistes. Le capitalisme mondial sait que la pression à l'intérieur de l'Iran augmente. Ceci risque à l'avenir de limiter les possibilités pour les investisseurs étrangers et d'entraîner de l'insécurité pour leurs capitaux. Par conséquent, ils sont pour moins de pression et pour plus de contrôle à la manière des pays occident. Ils profitent de leur expérience acquise dans le monde, et ils savent que ce procédé est plus efficace pour neutraliser une partie des forces protestaires. A court terme, ce système de contrôle à l'occidentale réduit les contradictions sociales et repousse vers l'arrière l'inévitable confrontation des classes. Par conséquent, là où le régime iranien ne respecte pas ces règles du jeu capitaliste, il est présenté comme opposant du nouvel ordre mondiale et la question de la répression et de la violence du régime iranien est traitée en détail par les médias du monde entier. En réalité, les lamentations que le régime iranien fait parfois entendre en invoquant la "lutte anti-impérialiste" ont pour origine son incapacité à trouver en matière de répression intérieure un accord avec les grands pays industriels et avec le législateur du nouvel ordre mondial. Là où la conclusion de contrats économiques de ces pays avec le régime iranien est repoussée pour un délai indéterminé, la question des droits de l'Homme est aussitôt soulevée. Le jour où cette question liée à l'arriération des moyens de production et des relations sociales sera résolue, la lutte anti-impérialiste et anti-sioniste du régime disparaîtra.

Malheureusement, actuellement, les moyens de propagande dans le monde sont aux mains des rois du capitalisme et des exécuteurs du nouvel ordre mondial. A chaque fois que leurs intérêts économiques l'exigent, ils peuvent canaliser l'opinion de la population. Quand la contradiction entre les capitalistes allemands, français, italiens, américains ou autres avec le régime devient aiguë, la question des droits de l'Homme dans notre pays resurgit. Par exemple en France, la population ne se demande jamais pourquoi les soldats français perpétuent des massacres au Zaïre, au Rwanda, en Somalie, au Bénin, en Yougoslavie ou ailleurs. Par contre, sous l'influence de la propagande de l'état français, la question des droits de l'Homme en Iran peut très rapidement être à la une des médias. Alors que parallèlement là où son intérêt l'y incite, sans faire de bruit, l'état français rend le célèbre terroriste Anisse Naccache à l'Iran ou il offre en cadeau à la république islamique (RI) les assassins de ses opposants. Il semblerait que cette population civilisée n'ait rien entendu et n'ait pas été informée lorsque plus de dix mille prisonniers politiques ont été exécutés sur ordre de Khomeiny dans la prison d'Evin en Iran, après le cessez le feu entre l'Iran et l'Irak! Comme si la conscience humaniste à ce moment-là n'était pas réveillée en France. Savez-vous pourquoi? Parce qu'à l'époque la France avait compris qu'elle devait compenser ses milliards de pertes en Irak sur le marché commercial iranien!

Dans le domaine des libertés politiques, l'entendue de la répression des forces révolutionnaires s'est étendue aux courants et même aux personnalités politiques et progressistes. Cela fait longtemps que le régime ne tolère même pas des opposants politiques qui ne souhaitent que des amendements au système en place.

Certains courants d'opposition n'ont pas de désaccord apparent avec le régime. Leur désaccord idéologique avec le régime de la RI n'est pas intelligible pour tous. Beaucoup par exemple ne savent pas si le livre "le martyre éternel" (à propos de l'imam Hussein; livre rédigé avant l'insurrection de 1979 et à l'origine des éliminations et des exécutions. Il met en question l'autorité de l'islam - ndlr) est rédigé en faveur de la fraction au pouvoir ou à son encontre. Les dirigeants du régime emprisonnent n'importe quel opposant et s'ils sentent un risque ou un danger ils l'exécutent aussitôt en prison. En apparence les désaccords prennent une nature politico-idéologique mais dans l'ensemble ils aboutissent à des éliminations physiques de part et d'autre, en fonction de la fraction est au pouvoir. N'oublions pas que l'origine de tous ces différends comme dans n'importe quel système dictatorial est la crainte de l'avenir. Tous les dictateurs sont inquiets de la violence et de la férocité qu'ils ont commises. Pour cette raison, afin d'empêcher toute protestation, ils éliminent toujours leurs opposants même s'ils sont faibles ou petits. Le régime de la république islamique d'Iran (RII) ne fait pas d'exception.

 

L.S.R. : Comment analysez-vous la poursuite de la révolution en Iran et qu'elle est votre stratégie à ce propos? Pouvez-vous détailler les principes fondamentaux de votre organisation à ce propos?

O.G.F.P.I. : Nous pensons qu'il faut renverser le régime de la RII avec un soulèvement populaire. Un soulèvement populaire demande des conditions adéquates et une préparation spécifique. Voilà ce qui constitue en réalité notre stratégie. Aujourd'hui, les conditions adéquates existent dans notre société: la pauvreté et le chômage d'une part, la dictature et les pressions politiques d'autre part sont de telles calamités et créent de tels problèmes pour toute la population d'Iran qu'ils sont impossibles à supporter. Nous avons essayé dans le passé de fortifier notre liaison avec la classe ouvrière. Malheureusement, pour diverses raisons, nous n'avons pas pu obtenir de succès dans cette politique. Nous devons combler cette faiblesse.

Le régime de la RII doit être renversé par une insurrection populaire armée. Ceci ne se réalisera qu'avec la croissance et l'élévation du mouvement ouvrier et populaire. A présent, la classe ouvrière en Iran ne peut pas conquérir à elle seule le pouvoir. Elle doit nouer les alliances nécessaires avec ses alliés des couches laborieuses qui représentent plusieurs millions de personnes en Iran. A l'heure actuelle, notre organisation investit tous ses efforts dans l'organisation de la classe ouvrière. Après les coups que nous avons reçus de la part du régime de la RII et les différents schismes, nous devons accroître notre effort pour obtenir le résultat satisfaisant.

 

L.S.R. : Pouvez-vous nous présenter depuis la fondation jusqu'à nos jours le processus de croissance et l'évolution de votre organisation?

O.G.F.P.I. : Le 8 février 1971 est le jour de la déclaration de la fondation de notre organisation au sein du mouvement révolutionnaire iranien. Ce jour-là, l'organisation a attaqué le poste de garde de Siahkal dans la région forestière du nord de l'Iran. Siahkal dans l'histoire du nouveau mouvement communiste iranien apparaît comme les flammes d'un volcan éclairant la nouvelle arène de la lutte de classe. Ce fut une déclaration de guerre à un régime armé jusqu'aux dents et profitant du soutien inconditionnel de l'impérialisme mondial. Ce qui distingua cette nouvelle période d'activité fut le combat contre le despotisme et la dénonciation de la nature conciliatrice du réformisme. Depuis, l'apparition de la révolution a perturbé la bourgeoisie et tous les groupes conciliateurs d'opportunistes réformistes. Depuis, ils ne trouvent plus la paix. L'épanouissement, la tranquillité morale et la prospérité promis aux générations futures, grâce au développement et au soutien du système de capitalisme mondial, a disparu soudainement. En parole, différentes couches et groupes se dénommaient de gauche mais en pratique aucun d'eux ne pouvait rompre avec le régime monarchiste et bourgeois au pouvoir. A cause de faiblesse, de soumissions et de trahisons, le parti Toudeh avait poussé la situation vers une ambiance de pessimisme et de scepticisme dans la société. A cause de la dictature et de la pression, l'étude des livres scientifique et l'accès à des sources fiables d'informations et de nouvelles n'était pas possible. En d'autres termes, pour lire et pour acquérir la science de la lutte, il fallait mener une vie clandestine. Voilà la voie que les avant-gardistes de Siahkal ont choisie.

Avec l'affaiblissement du régime monarchiste, on a assisté à l'écroulement des rêves qu'entretenaient certains intellectuels et des éléments timorés du fait de la censure de la presse.

La leçon à tirer de cet événement historique, c'est que le processus de la lutte de classe parcouru depuis Siahkal jusqu'à nos jours a démontré la justesse des principes et les buts de départ, même dans les pires conditions. C'est ainsi que l'empreinte du mouvement ouvrier s'impose, surtout celle du mouvement révolutionnaire iranien. Aujourd'hui, la classe ouvrière n'est pas composée d'individus dispersés. Elle est une classe structurée qui malgré tous ses manques a pu élever sa lutte au stade de grèves et de manifestations. La forme contemporaine de cette classe, qui se présente comme une réalité pour tout le monde, a encore du chemin à parcourir pour atteindre le stade de la maturité et de la conscience de classe. Le jour où la classe ouvrière pourra en créant son parti transformer les grèves en soulèvement révolutionnaire, ce jour-là nous verrons le rôle essentiel et la victoire d'une révolution dont l'histoire avait confiée la direction à la classe ouvrière.

Dans l'état actuel des choses, après avoir subi plusieurs schismes et de lourds coups de la part du régime de la RI après sa reconstruction, l'Organisation tente de structurer la classe ouvrière et tous les travailleurs.

 

L.S.R. : Quelles furent les raisons à l'origine des schismes au cours des différentes étapes au sein de votre organisation et après chaque schisme quel processus avez-vous parcouru? Quel effet ont eu ces schismes sur l'état actuel de votre organisation?

O.G.F.P.I. : Comme vous le savez, dans l'ensemble aucune organisation politique ne peut être à l'écart des insuffisances ou des succès du mouvement révolutionnaire de son pays. Elle subira les influences de niveau de développement et la conscience des classes participantes dans la lutte. Dans notre organisation également, pendant et après l'insurrection de 1979, à cause du manque de cadres expérimentés, nous avons recruté certaines personnes qui ne remplissaient pas tous les critères pour avoir des responsabilités du niveau de celles qu'ils avaient. D'autre part, le manque de maturité et de croissance de classe des ouvriers empêchait l'organisation de recruter parmi ces derniers pour couvrir ses besoins. De ce fait, ont pénétré dans l'organisation certains éléments qui, par nature, étaient petits bourgeois et défendaient plutôt une ligne politique réformiste. Le manque d'expérience et de travail politique au sein de la classe ouvrière, surtout dans la foulée de l'insurrection de 1979, sont les raisons pour lesquelles la composition des membres de l'organisation a été modifiée après un certain laps de temps. Postérieurement à l'insurrection, certains éléments ont pénétré dans le comité central de l'organisation alors qu'il ne croyaient pas à sa ligne de conduite. Ils étaient contre la guérilla et la pratique armée. Evidement, comme tous les opportunistes de la planète, pendant longtemps, ils ont ignoré leurs idées. Progressivement, suite au changement intervenu dans la composition interne de l'organisation - surtout au sein du comité central, ils ont mis sur le tapis la question de la défense inconditionnelle du "camp socialiste" (c'est-à-dire le soutien de l'URSS). Puis la question de la souveraineté du régime de la RI est devenue l'axe des discussions et des désaccords au sein de l'organisation.

Le comité central de l'époque, qui fut connu par la suite sous le nom de la "majorité", croyait que le régime de la RII "est un régime national, démocratique et anti-impérialiste". En face d'eux, nos camarades maintenaient une position ferme devant la ligne de conduite révisionniste de Kroutchev et les résolutions des XXème et XXIIème congrès. Pour nos camarades, la lutte contre les déviations de l'Union soviétique et la ligne de conduite révisionniste faisaient partie intégrante de la ligne de conduite de l'organisation. Concernant le régime de la RII, nous pensons que le régime de la RI est un régime anti-populaire, qu'il n'est pas anti-impérialiste mais au contraire le garant des intérêts du capitalisme. Les points de vue étaient parfaitement clairs. Une partie de l'organisation était pour la lutte contre le régime de la RI et voulait son renversement. L'autre partie était le défenseur du régime; le soutien à celui-ci faisait partie de ses priorités. Car, d'après eux, le régime de la RII était par essence "national, démocratique et anti-impérialiste". C'est ainsi qu'il y a eu un schisme dans l'organisation suite à des différends sur la question de la défense de l'Union soviétique et de la souveraineté du régime de la RII.

Apres ce schisme, la partie appelée "majorité" a commencé à soutenir le régime de la RI. En même temps que ses membres se croyaient marxistes, ils appelaient Khomeiny "Imam Khomeiny" et suivant la ligne de conduite du Parti Toudeh en plusieurs occasions, se montraient partisans de l'islam. Dans la région du Kurdistan, ce courant a pris position à coté du régime contre le peuple. Dans les prisons, quand le régime était incapable d'identifier le vrai nom de nos camarades ou de déterminer leurs responsabilités dans l'organisation, les membres de la "majorité" collaboraient avec le régime. A l'étranger, ce courant avait envoyé tous ses militants dans les ambassades du régime pour aider ce dernier dans l'espionnage des forces du mouvement révolutionnaire. Ils y sont restés jusqu'au jour où Khomeiny a donné ordre de les expulser. Dans les mosquées et les comités de quartier, ils comptaient parmi les éléments actifs du régime et ils dirigeaient les groupes d'hezbollahs qui agressaient la population. Leur journal contenait plein d'accusations contre les forces révolutionnaires. Ces écrits resteront pour toujours comme preuve de leur trahison envers le mouvement révolutionnaire iranien. En un mot, tout ce qu'ils ont pu faire contre l'organisation et les opposants au régime de la RI, ils ont fait. Malheureusement, le mouvement révolutionnaire iranien a subi de lourds dommages dans ce schisme.

Naturellement l'organisation a subi d'autres schismes mais le seul schisme qui a eu des conséquences positives sur l'éducation politique fut ce schisme-là qui est connu sous le nom de "schisme majorité et minorité". Notre organisation était connu sous le nom de "minorité". Elle n'a jamais utilisé ce nom. Elle est restée sous le nom d'Organisation des guérilleros fédaïs du peuple d'Iran. Plus tard, des individus qui ne croyaient ni à la ligne de conduite de l'organisation, ni à l'action armée et à la guérilla mais qui par contre avaient de la sympathie pour les courants opportunistes-réformistes (en d'autres termes, qui ne croyaient plus à la ligne de conduite de l'organisation) ont abusé, pendant une courte période, du nom de "minorité" pour la satisfaction de leurs propres intérêts. Ces éléments ont abandonné ensuite la lutte pour s'anéantir entièrement dans l'inaction. Ils n'ont pas voulu comprendre que ce n'est pas du tout le nom de l'organisation qui apporte autorité et prestige. Ils n'ont pas saisi que c'est plutôt sa ligne de conduite, sa résistance et la fidélité d'un courant politique dans son soutien à l'idéal de la classe ouvrière et aux intérêts de la population qui créent des miracles.

Grâce à ces éléments, notre organisation reste encore ferme et solide malgré tous ses ennemis apparents ou cachés. Aujourd'hui, après avoir acquis des expériences dures et sanglantes qui ont coûté la vie à des milliers de camarades de valeur, après avoir abandonné les camarades sur lesquels on ne pouvait pas compter et dénoncé tous les individus qui ont préféré leur intérêt personnel à intérêt du peuple, notre organisation relève la tête devant le régime de la RI. L'organisation de la majorité et le parti Toudet furent parmi les derniers courants à servir dans les organes du régime, service auquel ce dernier mis fin sur ordre de Khomeiny. Ces courants attendent toujours que le régime leur redonne l'autorisation pour exercer une activité publique. J'espère que vous allez utiliser ces expériences dans votre pays et que vous ne permettrez jamais aux courants réformistes de s'infiltrer au coeur de votre organisation pour qu'ils puissent vous attaquer de l'intérieur. Notre organisation l'a payé trop cher.

 

L.S.R. : Au moment de la chute du régime du Shah et de la prise du pouvoir par le régime de Khomeiny, quel rôle avez-vous joué? Quel fut l'influence de ces événements sur votre organisation dans la poursuite de ses luttes révolutionnaires? Par cette question, nous voulons transmettre votre expérience aux organisations de gauche de Turquie.

O.G.F.P.I. : L'Organisation des guérilleros fédaïs du peuple d'Iran fut la seule organisation qui a pris les armes contre le régime du Shah au cours de l'insurrection de 1979. Quand des millions de gens manifestaient dans les rues contre le régime du Shah de façon permanente, quand les grèves ouvrières et générales avaient complètement paralysé ce régime et que l'état de siège ne pouvait pas faire retourner la population dans ses foyers, juste à ce moment-là, suite à une décision juste et opportune prise par les camarades de l'organisation avec à leur tête Ahmad Gholamian Langroudi - connu sous le nom de Hadi, l'organisation a décidé d'attaquer les forces de l'armée. A plusieurs endroits, nos camarades ont attaqué les forces. A la suite de quoi, la population, soutenant nos camarades, est entrée en action et les casernes du régime sont tombées les unes après les autres aux mains du peuple.

A l'époque, Khomeiny ne voulait pas d'attaques armées. Il incitait la population à l'ordre et l'invitait à retourner chez elle. D'après eux, comme le Shah venait de prendre la fuite, c'était maintenant au tour de Khomeiny de régner. Avec les attaques armées de l'organisation, le régime de la RI était en face d'un acte accompli. Les attaques armées de l'organisation furent bien accueillies par la population, mais les réactionnaires nouvellement arrivés au pouvoir voulait aussitôt désarmer cette dernière. Ils essayaient d'empêcher ses avancées dans la destruction de l'appareil d'état : l'armée, la police, la gendarmerie, la SAVAK (ministère des renseignements et de la sécurité du pays - ndlr), en d'autres termes la bureaucratie. Ils ont aussitôt commencé à reconstruire ces organes. Les forces qui à l'époque du Shah participaient à la répression de la population ont changé d'uniforme et cette fois-ci, c'est sous le drapeau de l'islam qu'elles ont commencé à réprimer la population. Ensuite, les nouveaux détenteurs du pouvoir ont essayé de désarmer les organisations politiques. Quand ils étaient confronté à la résistance de l'organisation, surtout dans les régions comme le Turkmansahra, le Kurdistan et le Balouchistan où l'organisation avait une grande popularité, le régime réprimait la population. Au lendemain de l'insurrection de 1979, nous faisions face à une autre dictature, cette fois du nom de RI. En comparaison avec celui du Shah, ce régime dictatorial agissait beaucoup plus violemment. Le régime du Shah arrêtait, torturait et exécutait les forces politiques et les gens actifs des organisations. Le régime de la RI quant à lui arrête tous ses opposants, de n'importe quel niveau et il les exécute pour une simple critique ou protestation. La violence sous le régime de la RI ne connaît pas de limite. Plusieurs fois dans les écoles, des enfants de moins de 15 ans ont été exécutés à cause d'un sourire à l'annonce de la mort d'un dirigeant du régime.

 

L.S.R. : Quel est le niveau de la lutte que vous menez aujourd'hui dans votre pays? Quelle est votre analyse sur la question de la nationalité et quelle solution proposez-vous pour la résoudre?

O.G.F.P.I. : Le mouvement révolutionnaire iranien passe actuellement une période de stagnation. La population d'Iran qui pendant et après l'insurrection de 1979 était active sur la scène politique ne l'est plus comme à l'époque. A la différence de l'insurrection de 1979, la présence de la population sur la scène politique n'est plus animée par la volonté de faire la révolution mais par des raisons liées à sa situation économique et à ses moyens d'existence. Les protestations et les mécontentements actuels sont privés de l'ardeur révolutionnaire dont nous fumes les témoins au cours de l'insurrection. Vous savez, pendant l'insurrection, des régions ont été libérées par les forces révolutionnaires. Par exemple, une partie du Turkmansahra, du Kurdistan et du Balouchistan était sous contrôle de l'O.G.F.P.I.. Dans les régions centrales du pays la situation était autre mais dans l'ensemble, elle était à l'avantage du bloc de la révolution. Les ouvriers exposaient quotidiennement leurs revendications politico-syndicales en organisant des manifestations dans les rues. La population qui voulait plus de prospérité et plus de libertés démocratiques était très active dans la lutte.

Depuis dix-sept ans, un affrontement inégal est imposé par le régime de la RII aux forces révolutionnaires. Au cours de cet affrontement, le régime a pris le contrôle des régions libérées en main et l'activité des forces révolutionnaires a été réprimée par une violence très peu vue dans l'histoire. Malgré tout, ce régime n'arrive pas à gouverner. Une des raisons de cette incompétence est que le régime n'a pas pu réprimer entièrement l'opposition et les forces révolutionnaires. Certaines organisations n'ont pas pu supporter les pressions illimitées du régime et ont complètement disparu. Mais face à cela, celles des organisations qui avaient le plus d'expérience, surtout dans le domaine de la lutte politique contre la SAVAK et qui disposaient d'une base populaire ont pu résister et continuer leur lutte. Bien que toutes les organisations aient été affaiblies, une autre raison de l'incapacité du régime à gouverner est cette vérité qu'il est opposé à la volonté de la population. Tout au long de ses années de souveraineté, il n'a jamais pu présenter un système économique et social accepté par la population. A chaque fois que la population proteste, le régime intensifie sa répression et sa dictature. En outre, le dépérissement administratif, la corruption, le développement de la bureaucratie et la concurrence féroce entre les différentes fractions pour la prise du pouvoir politique ont affaibli le régime de l'intérieur. Malheureusement, le manque d'une alternative forte permet la survivance du régime. Par conséquent, aujourd'hui, doivent se combiner la lutte clandestine, la jonction des luttes clandestines avec les luttes publiques, l'organisation clandestine et la combinaison des activités au sein de la classe ouvrière et de la population sur la voie de la préparation de l'insurrection.

Concernant la question de la nationalité, cela dépend des conditions de chaque pays. Il faut envisager le mode de production et le niveau de développement des relations dans la production dominante d'une société pour pouvoir analyser la question de la nationalité dans un pays précis. Dans l'ensemble, les mouvements nationaux sont associés à la victoire du capitalisme sur le féodalisme. Les origines économiques des mouvements nationaux sont liées à la victoire et la domination complète de la production capitaliste. Pour cette raison, bien que d'après notre vision marxiste nous soyons pour le droit à l'autodétermination du destin des nations, il faut analyser et étudier la situation de chaque pays et le développement de ses relations dans la production.

 

L.S.R. : Quelle est votre position à propos des politiques interventionnistes de l'impérialisme dans la région du Moyen-Orient? Par exemple, comment analysez-vous la guerre du Golf, la question de la Palestine et le vote des états impérialistes avec à leur tête l'impérialisme américain?

O.G.F.P.I. : La provocation et le déclenchement des guerres des impérialistes dans la région est le résultat d'une politique définie. La base de cette politique est la crise économique du monde capitaliste. Le monde capitaliste pour réduire la crise recourt à des différentes méthodes. Les guerres régionales dans les conditions actuelles apportent une partie de la solution recherchée par le monde capitaliste pour résoudre sa crise. Outre cette cause économique, les changements de systèmes politiques dans les états de la région peuvent faciliter les interventions des impérialistes. Les impérialistes eux-mêmes déclenchent des guerres et ils interviennent ensuite avec leurs armées en jouant les protecteurs et sous prétexte de rétablir la paix et d'instaurer la démocratie.

A l'origine, la guerre du Golfe a été amorcée par les Etats-Unis. Avant la guerre, l'état américain a déclaré plusieurs fois sa position officielle par l'intermédiaire de son ambassadrice à Bagdad. A l'époque, les Américains avaient annoncé qu'ils ne se mêleraient pas des différends entre l'Irak et le Koweït. Qu'ils étaient pour régler le problème de façon pacifiste et qu'ils ne prendraient pas parti dans ce conflit. Vous pouvez étudier la presse de l'époque. La plupart des journaux ont diffusé la politique de l'état américain. Lorsque l'Irak a attaqué le Koweït, les Américains sont alors entrés sur l'arène et ont déclaré qu'ils ne savaient pas que l'Irak avait l'intention d'une attaque militaire! C'est un mensonge évident. Comment est-il possible que les Etats-Unis ne soient pas au courant de la préparation de ce combat? Par leurs satellites avancés, ils sont capables de voir Bagdad depuis des milliers de kilomètres et d'attaquer les positions importantes de cette ville. Par conséquent, comment peuvent-ils être aveugles sur la préparation et la disposition de combat des irakiens le long de la frontière koweïtienne? La guerre fut bien calculée par les Américains et a pu à l'époque atténuer en partie sa crise économique. Au cours de cette guerre, les Etats-Unis ont vendu pour des milliards de dollars de matériel militaire déjà fabriqué mais sans utilité pour des pays arabes comme l'Arabie saoudite, l'Egypte ou d'autres. Ils ont reçu des milliards de dollars du Japon et des pays européens parce qu'ils dirigeaient la guerre. A la fin du conflit, la France fut obligée de quitter l'Irak et perdit son marché. Cela aussi était dans intérêt des Américains. L'Irak fut obligé de donner 50% de son pétrole produit aux Américains comme indemnité de guerre tant que les Américains seront en mesure de leur imposer cette injustice. Connaissez-vous un "business" plus lucratif que cela?

Concernant la question palestinienne, c'est devenu une triste tragédie. Il faut accepter qu'après les événements en Union Soviétique et en Europe de l'Est, le mouvement palestinien a perdu ses principaux soutiens. Mais grâce aux antécédents historiques de sa lutte, grâce également à ses forces combattantes et au soutien des différentes forces de monde entier, il pouvait résister. La soumission d'Arafat au plan de paix américano-israélien a transformé la Palestine en protubérance de l'état sioniste. En réalité, les Palestiniens n'ont obtenu qu'une sorte d'autonomie, en grande contradiction avec intérêt du peuple palestinien et de ses buts révolutionnaires.

 

L.S.R. : Pour les peuples de Turquie, qu'avez-vous comme message? Nous aimerions de leur transmettre.

O.G.F.P.I. : Les luttes révolutionnaires à caractère anti-impérialiste-démocratique des peuples de Turquie contre l'état dictatorial, du fait de leur lutte contre l'impérialisme mondial, font partie des mouvements révolutionnaires du monde. La victoire des peuples de Turquie est la victoire de tous les révolutionnaires. Vos succès sont encourageants pour nous et d'autres combattants dans la région. Pour vous l'avant-garde des peuples de Turquie, pour toute la classe ouvrière et les travailleurs de Turquie ainsi que pour tous ceux qui luttent dans votre pays contre le despotisme, nous souhaitons du courage et de la réussite. De ma part et de la part du comité central de l'O.G.F.P.I., je vous prie de transmettre nos salutations révolutionnaires aux combattants de Turquie.

 

Interview paru dans KAR - L'organe de l'OGFPI - Eté 1996