Le rôle de la classe ouvrière dans la situation actuelle de la société iranienne

 

Le régime de la république islamique d'Iran (RII) se trouve dans une situation de plus en plus instable. Depuis presque deux décennies, en s'alliant à la bourgeoisie libérale, la bourgeoisie commerciale a pu trouver un équilibre momentané, mais désormais les fondements de cette alliance n'ont plus de base solide. Aujourd'hui, le système de la RI est confronté à la désagrégation. Les conflits internes entre les différentes fractions du régime (bourgeoisie libérale et bourgeoisie commerciale) sont devenus de plus en plus aigus. Ainsi, entre la population opprimée et le régime s'ouvre la perspective de l'intensification de la lutte de classe pouvant aboutir à une guerre civile. La situation actuelle est la suivante:

Des millions et des millions de la population opprimée, composée de la classe ouvrière et des différentes couches laborieuses de la société, viennent de prendre position avec haine et colère contre le régime de la RI. La population se prépare à un face à face avec le régime dans le but de la renverser. En même temps, les fractions au pouvoir se préparent à une nouvelle confrontation du fait de leurs différends toujours plus importants sur leurs intérêts économiques et la manière de gouverner.

Plus cette opposition et ces querelles entre les deux fractions au pouvoir durent, plus le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière et des vastes couches laborieuses se renforce.

Aujourd'hui, les différents pays impérialistes se livrent à une grande concurrence sur l'Iran et cette compétition s'accentue de jour en jour. Ceci vise l'impérialisme américain et celui de certains pays de l'Union Européenne comme la France. Par ailleurs, des pays impérialistes comme le Canada et le Japon se sont déjà appropriés une part importante du marché iranien. Outre les puissances économiques précitées, la Chine et la Russie - qui au cours des huit ans de la guerre Iran - Irak ont assuré une partie importante des besoins militaires du régime iranien - possèdent désormais une partie du marché de l'armement et de l'industriel.

De toute évidence, le régime de la RII est incapable de faire face au grand mécontentement de la population et à ses contradictions internes. Mais, afin de satisfaire leurs intérêts économiques et ceux de la bourgeoisie de leur pays, chacun des pays impérialistes soutient le régime de la RI. Ainsi la France offre son soutien inconditionnel et général, économique et politique, au régime de la RII afin de conclure des contrats économiques importants avec lui et brider sa crise économique continue.

Comme l'impérialisme américain n'a trouvé aucun prétexte pour engager une guerre contre le régime de la RI, il tente aujourd'hui de trouver une voie pacifique pour renouer sa relation avec le régime. Les Etats-Unis ont engagé de nouvelles démarches destinées à fortifier leur présence en Iran et à démarrer une politique de soutien au régime. Les États-Unis offrent de nouveaux avantages à la RI. Suite aux renseignements obtenus par des sources dépendantes de l'Organisation et aux déclarations des dirigeants du régime, l'Union Européenne a récemment proposé à la RI d'ouvrir discrètement un bureau de représentation à Téhéran. Il ne fait aucun doute que la générosité de l'Union Européenne envers le régime de la RII au cours de la dernière décennie a joué un rôle déterminant dans la survie de ce dernier.

Malgré le repli des forces d'opposition ces dernières années et les lourdes pertes humaines qui leur ont été causées par le régime, la plupart des partis et des organisations d'opposition, en fonction des couches qu'ils représentent, défendent et préservent encore leur existence et leur champs d'action. Avec l'aide des pays impérialistes et le soutien financier des capitalistes, une forte majorité de ces courants bourgeois et petit-bourgeois édite des dizaines de quotidiens, hebdomadaires, mensuels ou a mis en place de grands réseaux de propagande via, par exemple, la radio et la télévision à l'étranger. La plupart de ces formations sont fortement hostiles à l'idéologie de la classe ouvrière. Avec les médias du monde impérialiste, elles parlent progressivement de la fin du communisme et du socialisme. Face à ce vaste milieu, la classe ouvrière est privée de son avant-garde, le parti communiste. Le développement et la croissance de la lutte des classes devraient normalement susciter le rassemblement et l'établissement des relations de "parti", et l'aboutissement des buts de la classe ouvrière sur la base d'un programme rédigé. Mais, à cause de la répression dure et générale de la classe ouvrière par le régime de la RII ainsi que de l'influence de l'opportunisme-réformisme au sein de la classe ouvrière, l'unité de programme au sein de la classe ouvrière n'a pas encore eu lieu. En apparence, des dizaines d'organisations et de partis politiques se considèrent comme marxistes et prétendent être l'avant-garde de la classe ouvrière, mais la plupart ignorent complètement la dictature du prolétariat, le centralisme démocratique et le rôle directeur du prolétariat dans la révolution démocratique. Aujourd'hui, ces démocrates petit-bourgeois sont la principale base de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière. En pratique, ces couches essayent de soutenir la fraction de la bourgeoisie libérale au sein du régime, afin de préserver leur bonheur et leur prospérité petits-bourgeois. Aujourd'hui, à l'encontre des discours de ces couches petites-bourgeoises, la situation économique catastrophique de la population, la maturité et la conscience politique de la classe ouvrière promet une confrontation inévitable avec le régime.

A cause de la particularité de la société iranienne, du non-developpement des forces productrices, de la répression et de la dictature, la classe ouvrière d'Iran n'a pas pu créer son organisation de classe. A l'époque du Shah, toute lecture des oeuvres marxistes était puni par la prison, la torture et même l'exécution. Sous le régime de la RII, cette politique n'a pas changé et s'est poursuivie avec plus de rigueur encore. Le régime du Shah a essayé de rassembler les ouvriers dans des syndicats "jaunes", dépendants de l'État et contrôlés par le seul parti officiel, le "Parti de la renaissance". Ce régime ignorait toute formation indépendante des ouvriers. Sous la RI, cette politique a été complétée par l'adoption du code du travail. Le régime de la RI impose l'application de ce code par l'intermédiaire des associations islamiques des usines. Depuis son arrivée au pouvoir, en recourant à la terreur contre les ouvriers, ce régime les a encouragés à appliquer des politiques anti-ouvrières. Mais il s'est toujours heurté à l'opposition bien décidée des ouvriers dans les usines, et il y a eu des cas où le régime devait abandonner sa politique et leur accorder des avantages.

Quand le régime du Shah a été renversé, le pouvoir et l'influence des capitalistes n'ont pas été balayés. La notion de propriété privée n'a pas été mise en question. En d'autres termes, la capitalisme en tant que système n'a pas été battu et détruit. Sous le système de la RII, la bourgeoisie a préservé son organisation de classe. Et elle fait tout son possible pour empêcher le développement et la prise de conscience au sein de la classe ouvrière.

Malgré la présence quantitative et qualitative de la classe ouvrière dans la société, malgré sa participation et son rôle dans la lutte croissante contre le régime de la RII, les dirigeants de ce régime et les organisations anti-ouvrières au sein de l'opposition font tout leur possible pour minimiser le rôle de cette classe. Malgré la répression permanente, à chaque occasion, la classe ouvrière arrive à assembler ses luttes pour des revendications économiques avec des luttes pour des revendications politiques. Et il y a eu des cas où, à l'avant-garde des organisations de l'opposition, elle a organisé des vastes grèves ouvrières.

A présent, la classe ouvrière iranienne expérimente la tâche difficils de mettre à l'épreuve des politiques prolétariennes face à la bourgeoisie au pouvoir et aux courants petits-bourgeois au sein de l'opposition. Toute victoire de la classe ouvrière dans la révolution démocratique est liée à ses relations avec les couches laborieuses de la société. Le processus de transformation et l'obtention d'une vraie victoire exige une lutte sans merci. A coup sûr, si le développement des contradictions internes au sein du régime prend une forme antagoniste, compte tenu des positions actuelles, la guerre civile est la plus probable perspective à envisager pour l'Iran.

Face à l'aventurisme de la bourgeoisie, l'unique voie pour la population, afin qu'elle puisse se libérer de ce régime anti-populaire et la seule voie pour la victoire de la classe ouvrière, est le développement de la lutte des classes, l'organisation et la préparation d'une grève générale politique et le renversement antagoniste du régime de la RII. Après avoir subi deux décennies d'exploitation, la pression de la dictature et la répression sous la RII, la classe ouvrière iranienne a acquis cette grande et chère expérience.

 

Article paru dans KAR - L'organe de l'OGFPI - Mai 1998